Mario vs. Donkey Kong, le jeu qui oppose les minis Mario au grand singe est revenu en ce mois de février. D'où vient cette étrange licence ? Que représente ce jeu dans l'Histoire de Mario ? Mais surtout, vaut-il le coup ? Commençons par remonter le fil de son Histoire avant de livrer notre verdict.
Mini-Mario "sur le grill"
Histoire : La mariogénèse est un lent processus
La marotte de ce blog Mario, c'est de replacer chaque épisode dans le contexte "historique" de la saga, de dresser le portrait de famille. D'où vient Mario vs. Donkey Kong ? Avec ce jeu il y a du boulot. Ce sont trente années de jeux et d'antagonismes qu'il célèbre ! Mais d'où viennent Mario et Donkey Kong et leur antagonisme ? Ho hisse, allons-y :
Pour Nintendo, à l'origine étaient les cartes à jouet, les hôtels de passe, les paquets de riz, les partenariats avec Disney, etc. Puis l'électronique fut. En gadgets, branchés à la télé, ou en grosses attractions, dans des fêtes foraines.
Au commencement, Nintendo n'était pas embêté avec les crises d'épilepsie ou les hordes d'opticiens
Quand l'entreprise, lorgnant sur le marché ouvert par Atari, voulut conquérir l'Amérique, l'histoire redémarra de zéro.
- Le premier jour, Nintendo créa Radar Scope ;
- le deuxième jour la firme réalisa un test auprès des joueurs ;
- le troisème jour elle analysa les résultats (qui se révèlèrent très postifs : le jeu plaîsait)
- le quatrième jour, Nintendo fit fabriquer ses bornes au Japon :
- le cinquième jour, elle les importa aux Etats-Unis par bâteaux (le cinquième jour a duré trois mois) ;
- le sixième jour, elle installa ses bornes de Radar Scope aux Etats-Unis ;
- le septième jour les américains ne jouèrent pas à Radar Scope, déjà ringard. Raté ! Tous ces efforts pour rien ? ;
Radar Scope, jeu d'arcade de Nintendo destiné à lancer la filière de la marque aux Etats-Unis est un excellent shoot em'up, à l'ambiance très soignée, les ennemis volent vers vous suivant des trajectoires surprenantes. Il n'en demeure pas moins un jeu très classique.
La mariogénèse patientera ...et revient en deuxième semaine !
- Le huitième jour, Nintendo ne se reposa pas, l'histoire redémarra de zéro ...ou presque, il y eut des meubles (trois mille cabines d'arcade) à réutiliser. Dorénavant, la firme inventera, programmera, fabriquera directement dans l'Eldorado du jeu : les Etats-Unis, histoire d'éviter les long tunnels de l'import ! ;
- Le deuxième jour de la deuxième semaine, la fime achèta la licence du dessin animé Popeye the Sailor Man ;
Brutus déguisé en Donkey Kong par anticipation ?
- Le troisième, elle embaucha un tout petit jeune, un certain Shigeru Miyamoto et l'associa à un vieux Géotrouvetout très talentueux : Gunpei Yokoi, qui participa à beaucoup des "gadgets" cités avant le premier jour ! ;
- Le quatrième, la firme perdit les droits d'exploitation de Popeye (ce n'étaient décidément pas les jours de chance de Nintendo !) ;
- Le cinquième jour de la deuxième semaine, Shigeru transforma son programme Popeye par des héros de son invention en conservant la triangularité Popeye-Olive-Brutus. Cela donna Mister Video-Pauline-Donkey Kong. Adieu le marin chauve, bonjour à un charpentier moustachu (Mister Video). Adieu le gros baleise poilu, bonjour ...un trés gros baleise très poilu (Donkey Kong). Adieu les épinards et bonjour le marteau. Adieu surtout, de façon très prosaïque mais importante : la fabrication au Japon et l'importation aux Etats-Unis. Bonjour le '"aussitôt faits, aussitôt lancés" (le cinquième jour de la deuxième semaine ne dura pas, quant à lui, des mois !) ;
- Le sixième jour, après une tout petite nuit donc, les jeux (dont le meubles sont "nés" comme étant des Radar Scope et remplis par des programmes étant "nés" comme des Popeye - des troubles de l'identité ? d'ailleurs, Mister Video n'est plus, appelez-le dorénavant Jumpman) furent lancés dans certaines salle d'arcade ...et les files d'attente se créèrent déjà. Le jeu plaisait. Mais pour de vrai cette fois, pas juste en salle de test !
- Le septième jour de la deuxième semaine, les trois mille cabines bleues furent livrées ;
- Le huitième jour de la seuxième semaine, Nintendo ne se reposa pas, et comprit que l'histoire - qui ne repartait pas de zéro, qui ne repartira jamais plus de zéro - ne faisait que commencer.
(Filet de bave)
La quinzaine de la génèse est terminée mais l'histoire ne fait que commencer. Une fois que les 3000 premières bornes furent refourguées et facilement (ouf !), Nintendo fabriqua d'autres cabines Donkey Kong, de couleur rouge cette fois. Le jeu fut également lancé au Japon ...puis en Europe. Le même succès se confirma. Nintendo parle de 60.000 bornes d'arcade vendues. Après la mariogénèse, la mariomania était lancée. Nintendo créa une suite dans la foulée Donkey Kong Jr, renommant à cette occasion Jumpman, Mario tout en inversant les rôles : Mario devint le méchant (1982).
Mario vs. Donkey Kong : le vrai match eut lieu en 1983 ! (et c'est Mario qui a gagné)
Si Mario s'opposa pendant deux années à Donkey Kong, la firme sépara l'année suivante les deux héros : Donkey Kong 3 d'un côté, sans Mario (1983) ; et Mario Bros de l'autre, sans Donkey Kong (1983). Histoire de mieux exploiter le "filon" et de maximiser les revenus. En langage marketing, Nintendo créa deux extensions de gamme à partir de son unique jeu de 1981 en séparant le singe du petit homme.
Dans Donkey Kong 3, le singe se bat contre Stanley, surnommé l'homme insecte (Bugman), qui est, dit le livret vendu avec le meuble, le cousin de Mario... un cousin perdu depuis dans les oubliettes
Si les deux héros sont séparés (si Mario ne se bat plus vs. Donkey Kong), les deux héros ne sont plus dans le même bâteau et deviennent commercialement en situation de comparaison. Le vrai combat commence !
C'est le moustachu qui gagna la bataille. Haut la main. Les deux licences séparées ne sont pas devenues deux sources de revenus intéressantes, comme espéré. Mario Bros marcha très bien mais Donkey Kong 3 fut un échec. Donkey Kong se retrouvera plus ou moins tricard pendant une douzaine d'année avant de revivre les vertiges des lumières sur Super Nintendo au milieu des années 1990. Quant à Mario, pendant ses années là, il devient une légende : jeux de plates-formes d'abord en 2D, puis en 3D, jeux de Kart, jeux de sports, jeux de rôle, compilations de mini jeux. "Mascottifié" au cours des années 1980, il sera de toutes les fêtes, de tous les accessoires, de toutes les communications. Il sera surtout de tous les succès. Pouvant, trente ans après sa naissance, revendiquer un tiers des 100 meilleures ventes historiques des jeux vidéo
Un héros légendaire aux jeux eux-mêmes légendaires, à commencer par son plus gros succès Super Mario Bros ...un tel ramdam que la firme lui emputera souvent quatre années de vie, lui souhaitant son anniversaire les années multiples de 5 (en référence à ce jeu de 1985) alors qu'il est bien né, comme Donkey Kong, d'un croquis/mosaïque puis de sa transformation en jeu, en 1981, au cours des deux "semaines de génèse" chaotiques (oui, hasardeuses !) que nous avons décrites !
La licence qui évite l'Amnésie
La génèse de Mario n'eut rien d'un long fleuve tranquille. Il y a eu des hésitations. Nintendo cache quelques épisodes sous le tapis, pas forcément pour se mettre en valeur ...mais pour proposer une Histoire plus simple à appréhender. Dire que Mario est né en 1985 dans un jeu qui a fonctionné immédiatement (ce qui n'est complètement vrai non plus, par exemple Super Mario Bros ne fut pas mis en avant aux Etats-Unis l'année de la sortie de NES... la firme hésita à remplacer son univers par celui de ...Popeye !), c'est beaucoup plus facile. Et cette petite ré-écriture de l'histoire, cela donne : deux épisodes de New Super Mario Bros rendant hommage au jeu de 1985, des anniversaires souhaités en 2005 puis surtout l'année dernière en 2010, Hideo Kojima qui parle de Super Mario Bros comme d'un jeu "Big Bang" ...
Stop ! Comme pour réparer cette injustesse, existe depuis 2003, au milieu de tous les genres que nous avons cités, une licence qui célèbre les années oubliées ...et le premier vrai succès de Mario : Donkey Kong. On l'a vu, le singe n'est plus la grosse vedette des jeux Nintendo, le géant vit dans l'ombre d'un nain ...et cette licence construite comme un hommage oppose les deux anciens opposants, elle se nomme donc Mario vs. Donkey Kong.
Dans le premier Mario vs. Donkey Kong, les mondes se concluent par des niveaux où le grand Mario doit conduire ses minis jouets dans des coffres
Le premier épisode sur GameBoy Advance était excellent. Un jeu de réflexions dans lequel nous incarnions un Mario d'avant Super Mario Bros sans les supers pouvoirs et avec des déplacements plus limités ...mais qu'importe ! Le cerveau en pleine ébullition, le Mario. La séquence d'introduction est d'ailleurs un petit bijou d'autodérision avec Donkey Kong qui regarde à la télévision des publicités pour des petites figurines Mario.
Les premiers épisodes DS, de la déception
Sur DS, changement de gameplay, il s'agit de déplacer au stylet non plus Mario mais des jouets miniatures à l'image de la super star, les minis Mario. Le jeu lorgne cette fois du côté des lemmings et la DS et ses écrans offrent un grand confort pour cela.
La marche des Minis, très agréables mais frustrant : facile et trop superficiel
Pourtant, sur DS, déceptions ! Non pas que les deux premiers jeux soient baclés. Au contraire, les développeurs s'étaient creusés les méninges ...mais ne sollicitaient guère celles des joueurs. De nombreux concepts très malins étaient lancés (de nouveaux items, des bûches inflammables, etc.) ...mais avant que ceux-ci ne soient éprouvés sur la longueur, le jeu partait dans une autre direction. Le jeu survolait ses propres trouvailles. Dommage.
La pagaille remet de l'ordre !
Dans notre jeu, Pauline est une héroïne à l'américaine, une plantureuse actrice de cinéma telle que les années 30 les vénéraient ...une référence appuyée à King Kong que peut se permettre Nintendo dans les années 2000, maintenant que le procès intenté par Universal dans les années 80 a définitivement penché en sa faveur
Nous arrivons enfin à notre jeu de février 2011. On part donc vers ce nouvel épisode Mario vs. Donkey Kong - Pagaille à MiniLand (MiniLand Mayhem en anglais) avec peu d'enthousiasme. Et on est surprit dans le bon sens. Le nombre d'éléments est bien plus restreint et le jeu exploite enfin chaque potentiel.
Concrètement, chaque niveau est une énigme. Il s'agit, comme un berger tout puissant, de ramener les brebis égarées que sont les Minis Mario vers une porte de sortie. Une fois "lancé", un mini Mario ne s'arrête jamais. Sur son parcours, il faudra gérer des plates-formes, des canons, des bumpers, etc. Très rapidement.
Le jeu se situe entre réflexes et réflexions. Cette fois, il faudra être organisé. Nous devons faire rentrer tous les minis Mario aux bercails en fille indienne dans le même laps de temps. Cela rend la manoeuvre plus difficile et l'aventure est bien meilleure ainsi.
Un jeu tactile qui profite vraiment de cette option
Le soft est construit avec un grand sens de la rigueur. Chaque monde continet huit niveaux contenant des difficultés récurrentes : il y a toujours un monde avec un mini Mario "à clef" ; un monde avec un jouet Donkey Kong catapulte ; un monde avec d'autres jouets (Toad, Peach, Pauline, etc.) nécessitants leur propre porte de sortie, etc. Le plaisir est varié. L'épopée des jouets reste assez courte mais l'envie de récolter un trophée gagnera tous les joueurs et permet de vivre l'aventure en deux temps (comme les délicieuses pièces d'or des New Super Mario Bros).
Avec cette sous-licence, "tout ceci n'est qu'un rêve" ...enfin, "tout ceci n'est qu'un monde de jouet'
Consciente de son capital "historique", les musiques du jeu sont les thèmes habituels des deux séries phares des deux héros, notamment quelques thèmes de Donkey Kong Country. Un vrai ravissement ...plein de nostalgie. Ce n'est pas la première fois que Nintendo nous fait le coup ...elle nous fait le coup à chaque coup diront les plus lucides ! Mais avec ce jeu et son ascendance grandiloquente, le choix est parfaitement justifié !
Enfin, déjà dans les deux premiers épisodes DS, un mode de jeu s'en sortait avec les honneurs : le mode construction, avec des fonctions online pour partager ses niveaux construits. Cette fois encore, ce mode "clef anglaise" est très bien géré et permet de créer ou de télécharger des niveaux extrêmement vicieux.
Le Mario d'or ?
Après un Mario Sports Mix decevant, Mario vs. Donkey Kong - Pagaille à MiniLand est la première bonne surprise de 2011 pour les amateurs de moustaches. Dans chaque niveau, on aura plaisir à conduire les petits jouets jusqu'à bon port tout en rassemblant toutes les pièces pour obtenir les bonus de points et le précieux trophée.
Chaque monde se conclue par un affrontement direct contre le gorille, accéder au trophée sera plus difficile, il s'agira de réaliser "un niveau parfait"
Il faut bien reconnaître que ce sont les éléments du jeu dans son ensemble, y compris les boss de fin de niveau, les mini-jeux à débloquer et le mode échange/construction, qui sont excellents. La cartouche corrige en grande partie les défauts des premiers épisodes sur DS et rend hommage à trente années d'affrontements entre Mario et Donkey Kong. Nintendo ne cesse de parler de son Histoire, ce qui a le double avantage de :
- rendre l'offre cohérente (toujours les mêmes personnages, les mêmes items, les mêmes éléments visuels)
- mettre en valeur son Histoire pour en faire (comme les grandes marques de luxe tentent de le faire) un "héritage"
Plutôt court mais ne passant pas très loin du chef d'oeuvre (ce sera pour le prochain épisode ?), Mario vs. Donkey Kong Pagaille à MiniLand est un achat tout à fait justifié pour les fans de jeux de réflexions et même pour les autres.
Mario vs. Donkey Kong - Pagaille à MiniLand. Jeu de réflexion (succession de levels fermés). Pour console Nintendo DS. Environ 39 euros.